Aujourd’hui, c’est la journée internationale des femmes et plus précisément, comme l’appellent les militantes, la journée de lutte pour les droits des femmes. En tant que lutte pour des droits fondamentaux, la journée des femmes, c’est tous les jours de l’année. Tous les jours, des personnes, juste parce que le hasard a tiré pour elles le ticket « foufoune » à la loterie de la ruée spermatozoïque vers l’ovocyte, sont victimes d’injustices sociales et économiques, de violences et de discriminations de genre. Heureusement, les associations qui militent pour les droits des femmes sont sur le pont 365 jours sur 365.
Le thème retenu pour ce millésime 2017 est « Les femmes dans un monde du travail en évolution ». Voici ce qu’on peut lire sur le site des Nations unies : « Aujourd’hui encore, les femmes occupent principalement des emplois qui sont moins rémunérés et qui ne leur apportent pas d’avantages sociaux. Elles gagnent moins d’argent que les hommes, alors même que repose sur leurs épaules le lourd fardeau, essentiel sur le plan économique, du travail de soins et ménager non rémunéré. L’autonomisation économique des femmes doit passer par un changement transformateur pour que la prospérité soit partagée de façon équitable et que personne ne soit laissé pour compte. »
L’autonomisation des femmes passe par une reconnaissance, une prise en compte et une valorisation matérielle de leur contribution à l’économie informelle ou familiale, et pas seulement par une égalisation, une « dégenrisation » des rémunérations. Les femmes ne veulent pas être des hommes ; elles veulent être reconnues dans toute leur spécificité (elles portent et allaitent des enfants notamment, ce que les hommes ont encore quelque difficulté à faire…), quel que soit le type de travail qu’elles exercent, travail de soins aux enfants ou autres personnes dépendantes ou travail ménager. Ne faut-il pas commencer par valoriser tous les types de travail, formels et informels, quel que soit le sexe qui l’exerce, et réclamer une égalité absolue quant à leur rémunération ? De cette égalité absolue des types d’activité humaine découleront toutes les égalités « particulières », dans des sphères plus restreintes comme l’entreprise, et une authentique possibilité d’autonomie pour les femmes. Les femmes ne s’en sortiront sûrement que si tous les secteurs de l’économie informelle sont valorisés matériellement, parce qu’ils sont essentiels et qu’ils ne doivent pas être exclus de la monétarisation des objets et des services. On peut aussi bien sûr vouloir bénéficier de tous les avantages du sexe masculin mais cette façon de procéder, par rattrapage des privilèges d’un groupe, est réductrice ; elle ne résout pas une bonne fois pour toutes les inégalités quant au travail. Elle ne résout pas, par exemple, le travail non rémunéré d’un autre groupe humain qu’est celui des enfants dans les écoles (écoles qui se présentent comme des lieux d’apprentissages et d’émancipation alors qu’elles sont des lieux de travaux forcés). Il y a ainsi des luttes pour l’égalité qui élargissent le champ de l’égalité, par exemple aux femmes qui ne veulent pas « faire comme les hommes » et préfèrent poursuivre leur travail de soins, ou à tout le moins accorder à ce travail une plus grande place.
Le monde du travail n’aura pas réellement évolué tant qu’il n’aura pas été élargi à d’autres sphères que celles de l’économie formelle. Sans cela, l’autonomie des femmes n’est qu’un voeu pieux.
Evidemment, comme c’est un peu notre dada, l’expression « Les femmes dans un monde du travail en évolution » nous inspire une réflexion sur un autre type de travail : le travail de l’enfantement. Les conditions du travail des parturientes, comme disent les médecins, sont en évolution depuis un peu plus d’un demi-siècle. Tiens, à peu près depuis l’époque où les féministes ont remporté leurs premiers combats… Quelle drôle de corrélation que celle entre les droits à disposer de sa fécondité et de son corps et la médicalisation de cette même fécondité et de ce même corps… Le travail de l’enfantement a, comme d’autres formes de travail, été rationalisé, taylorisé, encadré, dirigé, en somme industrialisé. Médicalisation ou industrialisation, c’est kiffe-kiffe en l’occurrence. Le travail de l’enfantement a été réduit à une succession d’étapes dont le « bon » enchaînement est assuré par les interventions médicales (et médicamenteuses) : position allongée, perfusions de produits censés augmenter la « performance », et la rendre indolore, extractions forcées de foetus, ouverture des chairs, de la vulve ou de l’abdomen, pour permettre le passage « forcé »… Notre industrie de la naissance ne lésine pas sur les moyens, efficacité, rendement maximum, coûts minimum…
La salle d’accouchement est souvent un lieu de violence et de non-droit pour la majorité des femmes dans nos sociétés techno-industrielles, un lieu qui inaugure et consacre leur désautonomisation institutionnalisée.
Contre cette forme civilisée du travail des femmes, qu’il soit d’enfantement, de soins ou autre, et qui signe leur aliénation, nous, les femmes sauvages, nous nous insurgeons. Le 8 mars et toutes les autres non-journées des femmes.